Cet article permet de compléter les réponses au quiz du bulletin municipal. Les réponses sont en vert. Cette année, c’est sur Paul de Beauvilliers, duc de Saint Aignan, que porte le questionnaire.

À dire vrai, il y a peu de rapports entre Paul et le village de Beauvilliers. C’est Herbert de Beauvilliers, au XIème siècle, chevalier et seigneur de Beauvilliers, Maleloup et Vieux Allones qui donne ce nom à sa lignée, mais celle-ci, par les différents mariages et mutations, s’éloigne du lieu tout en gardant le nom. Celui-ci s’éteindra en 1828 avec Charles-Paul-François de Beauvilliers, pair de France, qui meurt sans descendance. 

Si notre village n’a pas réellement connu celui qui porte son nom, il n’empêche que le rayonnement de ce personnage est suffisamment important pour qu’il rejaillisse sur notre petite commune. Le blason avec ses « merlettes de gueule » trône sur le chapiteau de l’hôtel de Saint Aignan (autre titre de Paul) dans le Marais, à Paris, abritant le musée du judaïsme à l’initiative de Jacques Chirac en 1998, on le trouve également dans la priorale Saint-Laurent à Palluau. (voir l’accompagnement du quizz de 2018)

 

Paul de Beauvilliers était en effet un homme important et influent sous le règne de Louis XIV. Ce premier gentilhomme de la cour, conseiller royal des finances, faisait partie des pieux et austères personnages qui entouraient le roi et s’opposait aux frivolités de l’époque. Sa piété et son puritanisme n’étaient sûrement pas étrangers à ses premières années, où il fut abbé de Saint-Pierre de Châlon sur Marne, recevant cette charge de son père. Il était également plutôt pacifiste dans cette époque de guerres européennes.

C’est cette rigueur morale qui a fait de lui le gouverneur des trois petits fils de Louis XIV, le duc de Bourgogne, le duc de Berry et le duc d’Anjou.

Ce dernier, devenu roi d’Espagne sous le nom de Philippe V, lui octroya le titre de « grand d’Espagne », titre qu’il légua à tous ses descendants. 

Sur la vie privée de Paul de Beauvilliers, les documents historiques, comme souvent, divergent un peu. Paul de Beauvilliers épousa la fille du grand Colbert, Henriette-Louise Colbert, avec qui il eut « entre » 10  et 13 enfants, selon les sources, dont 7 ou 8 filles. Il est probable que certains enfants n’aient pas vécu suffisamment longtemps pour qu’on ait gardé trace de leur passage sur terre. Presque toutes les filles devinrent religieuses, l’une d’elles, Geneviève, resta auprès de son père jusqu’à sa mort, une seule, Marie-Henriette, se maria. Elle épousa Louis de Rochechouart, duc de Mortemart en 1703. Mais ni lui, ni aucun de ses fils, morts trop jeunes, n’héritèrent du titre de duc de Beauvilliers. C’est son demi-frère, Paul Hippolyte qui reçut le duché. En revanche, Louis de Rochechouart reçut de son beau-père la charge de premier gentilhomme de la cour.

8 ou même 7 filles, c’est beaucoup. L’ami fidèle de Paul de Beauvilliers, François Salignac de la Mothe Fénelon, reconnaissant d’avoir obtenu grâce à lui le titre de précepteur des petits-fils de Louis XIV, écrivit pour lui le traité d’éducation des filles. Cet ouvrage n’était pas destiné à être publié, mais il faut croire que Paul a dû le trouver intéressant, car c’est sur sa demande qu’il fut connu du public. Il faut dire que l’accroche de la première page est tout à fait inédite pour l’époque : 

« Rien n’est plus négligé que l’éducation des filles. La coutume et le caprice des mères y décident souvent de tout : on suppose qu’on doit donner à ce sexe peu d’instruction. L’éducation des garçons passe pour une des principales affaires par rapport au bien public ; et quoiqu’on n’y fasse guère moins de fautes que dans celle des filles, du moins on est persuadé qu’il faut beaucoup de lumières pour y réussir.  

Pour les filles, dit-on, il ne faut pas qu’elles soient savantes, la curiosité les rend vaines et précieuses ; il suffit qu’elles sachent gouverner un jour leurs ménages, et obéir à leurs maris sans raisonner. On ne manque pas de se servir de l’expérience qu’on a de beaucoup de femmes que la science a rendues ridicules : après quoi on se croit en droit d’abandonner aveuglément les filles à la conduite des mères ignorantes et indiscrètes. »

 Fenelon poursuit en constatant que certes, les femmes sont plus fragiles que les hommes, mais c’est justement une bonne raison pour les « fortifier », et que de toute manière, dans un ménage, à la fin,  « les hommes mêmes, qui ont toute l’autorité en public, ne peuvent par leurs délibérations établir aucun bien effectif, si les femmes ne leur aident à l’exécuter. »

Suivent des conseils pour mener à bien sa vie de couple puis de ménage, en étant bien éduquée, instruite et pieuse.

Pour lire le traité entier :https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_de_l%E2%80%99%C3%A9ducation_des_filles

 Ce traité n’a été ni écrit par Bossuet, qui n’était pas, mais vraiment pas l’ami de Paul de Beauvilliers, notamment lorsqu’il a œuvré pour faire tomber en disgrâce Fenelon, ni par Saint-Simon, qui était un ami, mais a écrit autre chose.